Il fait nuit. Le chandelier à la main, Edith se fraye un chemin dans les obscurs couloirs du manoir Allerdale. La maison craque sous la pression du vent, comme respirant. Des papillons de nuit exécutent une danse macabre ; des notes de piano flottent dans l’air ; les portes grincent et pourtant, personne n’est là. Une ombre se dessine sur un mur, longue, maigre, effrayante. Quelqu’un, ou quelque-chose approche. Edith le sait, les fantômes existent. « Prend garde à Crimson Peak », dit une femme flottant dans les airs.
Tel est donc un petit avant-goût de ce qui vous attends. Mais prenez garde ! Comme le dit si bien son réalisateur, Crimson Peak n’est pas qu’un simple film d’horreur, c’est avant tout une « romance gothique ». Ne vous attendez pas à vivre la plus grande expérience horrifique de tous les temps, les fantômes ne sont ici qu’un prétexte à une histoire bien plus complexe. Une histoire d’amour comme on n’en voit pas souvent au cinéma. Une attirance qui obsède et déchire les personnages, qui les torturent et les rend différents. Cette évolution devient petit à petit fascinante, et donne une ambiance électrique. Il ne s’agit donc pas d’un film à l’eau de rose, rassurez-vous ! Guillermo Del Toro saute les grandes étapes “classiques” d’une relation amoureuse, pour nous focaliser directement sur le passage qui nous intéresse. Un choix qui pourra en dérouter plus d’un, mais qui a le mérite de se focaliser directement sur les moments intéressants.
En ce qui concerne ces fantômes, Guillermo Del Toro excelle dans la mise en scène de ses créatures. Chacune de leurs apparitions est une nouvelle surprise pour le spectateur, tantôt fasciné puis terrifié. Je trouve que ce sont bien là les parties les plus réussies de ce film. Quand certaines scènes sont trop souvent surcoupées par leurs plans, celles concernant les fantômes sont d’une qualité à couper le souffle. Ils sont là, on le sait depuis le début, mais la lenteur et la tension feront se hérisser les poils de vos bras. Tout est maitrisé lors de ces séquences, pour un frisson garanti. La qualité des effets spéciaux est également à saluer. Une belle leçon de cinéma.
La composition des tableaux du film est également renversante de splendeur. Le décor est tout simplement sensationnel, mais le cadrage et la couleur de l’image viennent sublimer la beauté froide des lieux, comme pour rendre hommage aux plus illustres peintres de paysages flamands et du romantisme. Une belle reproduction, qui vous plonge directement dans ces environnements mystérieux.
Mais un film d’épouvante, ça passe aussi par les sons. Là aussi, les petits détails sont très travaillés, et ajoutent à l’angoisse générale que dégage le film. La maison est vivante, on l’entend respirer, s’agiter et gronder. Elle souffre de lourds secrets trop longtemps enfuis dans ses murs, et cela se ressent. La musique du piano qui fait partie de la BO fait aussi son petit effet. Classique, mais indispensable.
Pour le scénario, nous ne sommes pas dans une métaphore aussi torturée que dans Le Labyrinthe de Pan, film étalon du réalisateur. Et bien qu’il ne paraisse pas très original à certains moments, son dénouement, venant conclure une lente descente aux enfers, en vaut la chandelle. Guillermo signe donc une belle narration, malgré quelques petites faiblesses.
Difficile donc de prédire si le film plaira à tous les fans inconditionnels du réalisateur, tant le film complète et se différencie en même temps du reste de sa filmographie. Mais Crimson Peak est une très grande réussite sur bien des points, dont les thématiques qu’il aborde. Des thématiques fortes et un traitement très soigné font de ce film une belle réussite. Un film que je vous recommande chaudement.
Ma note Senscritique : 8/10
Remerciements : Laura Tchartorijsky