Critique Ciné | Interstellar

Le film s’achève sur un dernier plan remarquable ; le générique apparaît. Personne ne bouge de son fauteuil. Les gens se regardent, certains commencent à partir, mais tous, ou presque, sont abasourdis. Moi de même. On sort de la salle la tête encore dans les étoiles. On ressent au fond de nous, que nous venons de vivre des moments intenses et magiques. Une fois chez soi, on fonce écouter encore les musiques de la BO pour ne pas oublier les moments fort, de peur de sortir de cet univers plein d’espoirs, de promesses, d’humanité, de tendresse, et d’émotions. Il est indéniable qu’Interstellar se classe parmi les films que l’on n’oubliera pas de sitôt. Pour moi, et je vais être direct, ce film est un chef-d’œuvre ! Pas le genre de chef-d’œuvre qui vous aura ému par un grand nombre de morts, ou par un personnage atteint d’un handicap, mais parce qu’il nous aura plongé dans un univers défiant l’entendement humain. On y voit des hommes et des femmes découvrir ce qu’ils maîtrisaient le moins bien, pour tenter de le comprendre, et essayer d’en prendre les rennes pour dompter un milieu qui nous dépasse tous : l’espace. Interstellar est une grande Odyssée, alors accrochez vos ceintures, la fusée décolle dans «10…9…8…7…6…5…4…3…2…1…FIRE !»

Petite précision avant de commencer, des spoils seront faits dans cette critique. Mais ne vous inquiétez pas trop. Je veillerai à écrire ceci en deux parties bien distinctes. Dans la première, aucun spoil, ou aucune information supplémentaire à l’histoire, que celle décrite dans les diverses bandes-annonces et résumés sur le net ne seront faits. Dans la deuxième, je révélerai des passages. Si cela vous est égal de les connaître vous pourrez évidemment la lire. Pas de panique, aucune divulgation sur la fin ne sera faite. Mais cette partie-là en tous cas, concerne certainement un peu plus les gens qui auront déjà vu le film.

Commençons par le réalisateur, Christopher Nolan.

Autant vous avouer d’entrée de jeu qu’il est à mes yeux, l’un des meilleurs réalisateurs du siècle. Il s’intéresse toujours à des sujets dignes d’intérêts. Que ce soit la magie, la mémoire, le rêve ou l’espace. Nolan semble apprécier comprendre le monde qui l’entoure, et cela ne peut faire que renforcer l’impact de ses films. On cherche à découvrir avec lui l’inconnu. En effet, Nolan ne se contente pas de prendre un sujet et de le tordre dans tous les sens à sa propre guise. Il réfléchit, s’inspire de théories plus ou moins vérifiées, il rend le tout réaliste et imaginable. C’est sur cette base d’espoir d’une entité atteignable que se dirige Interstellar et surtout son point de vue.

Durant tout le film, l’homme n’est pas montré comme un être supérieur. Il est petit, se fait renverser par les éléments, et tente de dompter quelque-chose plus grand que sa Terre natale. Autant dire que ses chances de réussite sont maigres. On est sans cesse sur une lame de rasoir, et pourtant, on ne peut que rester admiratifs devant tant de beauté visuelle.

Lorsque l’espace est filmé en plans larges, les cadres sont doux et posés, tels des photographies que l’on admire dans un observatoire. Ce qui est un peu le contraire de ce que faisait Gravity, sans cesse en mouvement avec de beaux plans séquences (plans relativement longs, où on ne coupe pas, en général, la caméra), mais toujours avec une belle fluidité. Mais ici, les jeux de lumières, les effets sonores, les couleurs : tout est fait pour contempler ce qui est plus grand que nous.

Et toute cette contemplation est ponctuée par les magnifiques orchestrations de Hans Zimmer. Grand compositeur de musiques de films, bien connu au bataillon par les plus grands cinéphiles, il a notamment travaillé sur les derniers Nolan (La trilogie The dark knight et Inception). Mais ici, c’est un autre Zimmer que l’on retrouve. Ce ne sont pas les basses démultipliées et lourdes, ou les chœurs de voix puissants que l’on entend. Zimmer nous propose un tout autre style, avec des morceaux calmes, agrémentés d’orgues, de sons caverneux, tourbillonnants, majestueux. Les musiques nous plongent dans la folie et la beauté de ce voyage, tel un ballet dans les étoiles. Un magnifique contraste, dont se dégage une certaine légèreté. Bref, on en prend plein les oreilles, à nouveau pour notre plus grand plaisir.

Parlons un peu du scénario. Comme expliqué plus haut, l’histoire est marquée par cette volonté de Nolan de découvrir l’inconnu et de le comprendre. On est absorbés dans un conte spatial, qui peut paraître lourd aux gens à problèmes avec la science, mais tout cela donne une force plus concrète au film, une cohérence certaine. Plusieurs théories sont ici illustrées, et certaines, comme la loi de la relativité d’Einstein, pourraient faire perdre pied à plus d’un spectateur. Non pas du fait que cela soit compliqué à comprendre ! Mais ceux qui auront vu le film savent de quoi je parle. Certains de ces principes vous tordent les tripes et c’est aussi ce qui va créer les moments forts du film. Je ne voudrais rien révéler d’intéressant ici, sachez juste que les thématiques du temps, de la vie, de la mort, de la famille, du courage et du dévouement mettent l’accent sur des moments déjà culte à mes yeux ; merveilleux dans la salle de cinéma. Ils donnent de réels frissons. Quant à la fin, certains s’en contenteront, d’autres dénonceront un parti pris trop radical. Effectivement, la fin peut diviser. Ici, on est clairement dans la partie fictive du film, mais elle a le mérite de créer des liens à travers tout le film, et d’apposer un point de vue intéressant. Chapeau aux scénaristes (les deux frères Nolan : Jonathan et Christopher). En tous cas, la fin fera parler d’elle comme celle d’Inception (attention, je ne dis pas là qu’elles se ressemblent), et c’est aussi ce qui créera à la deuxième vision du film, une lecture différente sur l’histoire, qui ne doit pas être déplaisante.

Par contre, c’est peut-être la longueur qui risque d’en rebuter plus d’un. Vous avez là le plus long film de Nolan. On peut se dire que cela nous permet de prendre plaisir plus longtemps, et d’avoir plus de moments forts. Alors que certains ne trouveront pas nécessaire d’avoir un métrage aussi long. Il est clair que le film aurait peut-être gagné en intensité, s’il avait fait une croix sur certains champs/contre-champs. A certains moments, le rythme du récit se trouve cassé, car on veut tout expliquer tout le temps. Mais quels passages supprimer ? Tel est la question ! Quand les dialogues sont si bien écrits, et les moments aussi prenants. Vous me diriez alors, qu’effectivement, cela fait partie des choix difficiles du montage. Oui, c’est vrai. Tout dépend encore une fois de votre appréciation du film. Et quand on sait que pour Nolan, le final-cut (le montage final) que l’on retrouve au cinéma, est déjà pour lui sa version longue, son director’s-cut (que de nombreux réalisateurs ne peuvent s’empêcher de ressortir en DVD), difficile de savoir ce qui aurait été le meilleur choix.

Au niveau du casting, nous sommes chez les grand, avec Matthew McConaughey à son meilleur, Anne Hathaway, Michael Caine. Des têtes connues chez Nolan (sauf pour le premier), mais aussi des petits « nouveaux », qui jouent à merveille : Jessica Chastain, Casey Affleck, Wes Bentley, Mackenzie Foy, … Je ne pourrais malheureusement pas citer tous les noms mais, que ce soit dans les rôles principaux ou secondaires, le casting est à la hauteur du film. Bon, certains rôles apparaissent seulement à la toute fin du film, et à peine avons-nous le temps de les connaître que le film se termine déjà. Alors oui, certains personnages auraient gagné à être mieux compris dans leur utilité et leurs choix.

Malheureusement, j’entends et vois pas mal de critiques au niveau de la relation père/fille qui lie Anne Hathaway et Michael Caine. Certains n’hésitant pas à fortement pointer du doigt le jeu de Hathaway. Il est vrai que cette relation aurait gagnée à être mieux décrite, à avoir plus d’ampleur. Mais selon moi, il n’en fallait pas plus. Cette relation ne prend pas trop de marge sur celle père/enfants du protagoniste qu’est Connor. Et si le jeu d’Anne Hathaway ne plaît pas à tout le monde, il est évident qu’elle ne joue pas mal.

Ah oui, et il y a aussi des robots ! Comme on peut le voir dans les différentes bandes-annonces. En forme de monolithes, il tombe sous le sens que Nolan rend ici un hommage au film de Stanley Kubrick : 2001 : A space odyssey. En plus d’être un clin d’œil au monolithe (non parlant), il fait aussi référence au super ordinateur CARL, et sa voix humaine (voix-off d’un acteur certainement non-modifiée). Cela donne une véritable identité aux robots (des deux films), comme s’ils étaient nos égaux ; avec toutefois leurs lots d’erreurs, puisqu’ils n’ont pas de sentiments. Nolan va jouer là-dessus pour donner un aspect comique involontaire aux robots d’Interstellar. Alors que dans le film de Kubrick, CARL ne fait qu’essayer de tuer ses camarades les aventuriers de l’espace.

Venons-en maintenant à l’esthétique, surtout visuelle, d’Interstellar. Quand nous sommes sur Terre, en plein milieu de ce monde en extinction, l’imagerie sale et poussiéreuse est merveilleusement bien rendue. Les couleurs sont souvent ternes, grisâtres et vertes. Ajouter à cela la qualité particulière de la pellicule, et le résultat s’en trouve saisissant. Bien que les moments de bonheur en famille soient souvent filmés avec un beau soleil, on peut y trouver une légèreté dans les plans, notamment cette scène où on se laisse porter par la poursuite d’un drone. Là, les couleurs sont chatoyantes et belles, comme une preuve d’une ancienne Terre sublime, qui meurt à petit feu.

On sent malgré tout un certain classicisme dans les plans que fait Nolan, mais comment le lui reprocher, quand ils sont presque tous aussi magnifiques ? On voyage beaucoup entre différents angles, parfois assez fous. Comme ces nombreuses caméras embarquées sur les différents vaisseaux (les ailes, la pointe de la fusée, …), ou ces plans où la proportion des personnages est contre-nature ; je prends ici pour exemple la scène de combat entre le professeur Mann et Connor. Habituellement, les combats au corps-à-corps se font avec des plans forts proches des comédiens, sauf ici, où un seul plan large suffit. On ne voit que deux cosmonautes, deux ridicules bonshommes qui ne vont rien changer à l’équilibre si paisible de la planète. Mais ce qui marque le plus, ce sont ces plans dans l’espace, illustrant ce gigantisme cosmique, qui nous donnent cette impression évidente que nous ne sommes presque rien. Ils nous font aussi perdre nos repères, notamment dans le Bulk, avec ces magnifiques effets visuels.

En parlant de cela, savoir que la plupart des effets spéciaux sont mécaniques (c’est-à-dire faits sur le tournage, en direct) ne font qu’embellir l’idée que l’on se fait du film. Et les effets numériques (trou noir Gargantua, Bulk, …) sont également fort appréciables, et paraissent très réalistes (même si la représentation du trou noir fait débat).

Il n’y a pas que nos yeux qui en profitent, mais aussi nos oreilles. Pas seulement grâce à la musique, mais aussi grâce aux bruitages. Quand le silence se créer pour laisser place à une séquence difficile de pilotage, que l’on n’entend rien que le vaisseau grincer et gronder, le stress pour savoir si l’équipage va survivre, est encore plus présent. Très bon travail de sonorisation en somme.

Interstellar nous offre donc de merveilleux moments de cinéma. Mais pas que…Telle une ode sur la place de l’homme dans l’univers, Nolan parvient à créer l’émotion encore une fois, avec des scènes impressionnantes. Il s’inspire des plus grands réalisateurs, pour donner un nouveau souffle au genre du Blockbuster. Ça fait du bien, et on se dit qu’il faudrait que cela arrive plus souvent. Voilà pourquoi Interstellar fait tant de bruit et divise autant. Mais c’est aussi grâce à ses nombreuses qualités qu’il est selon moi, un chef-d’œuvre.

Remerciements à : Laura Tchartorijsky et ma famille !

Bande-annonce : http://youtu.be/zSWdZVtXT7E (faites un copier/collé) !