Critique Ciné | LUCY

Il est enfin là, le nouveau film de Luc Besson ! Bien que l’on puisse se mettre d’accord sur le fait que tous ses films ne soient pas des merveilles, il reste un grand monsieur du cinéma franco-américain. Lucy était donc sûrement attendu avec beaucoup d’impatience par ses fans, d’autant que les bandes-annonces pouvaient en faire saliver plus d’un ! Le seul point noir, qui pourrait freiner le public lambda serait sa ressemblance scénaristique avec le récent Limitless de Neil Burger, sorti à peine en 2012. Rassurez-vous, bien que la base ; consistant à s’appuyer sur une récente étude qui aurait démontré que l’homme emploie seulement 10% de son cerveau ; le développement est assez différent. Tandis que le film de Neil Burger se « contentait » de démontrer qu’employer 100% du cerveau nous rendrait super-intelligent, ce concept employé chez Besson va beaucoup plus loin, repoussant les frontières du « possiblement acceptable ».

Alors autant préciser tout de suite, si vous êtes un bon chrétien croyant et pratiquant, n’allez surtout pas voir ce film ! Vous perdriez votre temps à contempler pendant 1h30 les portes de l’enfer ! En effet, le film nous balade en permanence entre certitudes scientifiques et apports fictifs pour le scénario, à un tel point que, à moins d’être féru du magazine Science et Vie, il est difficile de savoir ce qui a été inventé pour justifier le film.

Mais en tous cas, le point de vue avancé par Luc Besson n’en est pas moins intéressant, pourvu qu’on sache faire preuve d’ouverture d’esprit ! Dans ce film, la drogue donnant accès à 100% de notre cerveau nous permettrait de faire bien plus qu’être très intelligent. Mais nous reviendrons sur ce point par après.

Tout d’abord, et ce n’est pas un « spoil », le film démarre en nous faisant découvrir notre chère Lucy en images de synthèses. Non, pas le personnage principal, mais le surnom donné au plus vieux fossile trouvé sur Terre. Celui d’un Australopithecus afarensis, une espèce considérée pendant longtemps comme celle à l’origine de la lignée Homo (les humains donc). Evidemment, ce n’est pas un cours d’Histoire qu’est venu prendre le public. On regarde, étonnés, cette pauvre créature, peut-être à la base de notre espèce. Il devient alors facile de faire le lien avec le personnage principal du film. Ce dernier ne nous parlera donc pas seulement de drogue, mais surtout de l’homme ! Jolie introduction. L’axe principal est tracé. Par après, on enchaîne les images d’archives sur la vie, les différentes cultures, la Terre, etc. Des images des quatre coins du monde, avec une voix-off qui nous explique ce qu’est le quotidien de tout un chacun : sa survie et son adaptation. C’est peu de dire que la salle fait un silence de mort, intriguée par ce qu’on lui explique et lui montre.

Lucy apparaît alors. La protagoniste. Et on entre rapidement dans le vif du sujet. Un bref dialogue, et notre chère Scarlett Johansson est entraînée dans des péripéties qu’elle ne contrôle plus! Vous connaissez sûrement la suite grâce aux différentes bandes-annonces. Elle a des sachets d’une nouvelle drogue dans l’estomac. L’un d’eux se rompt et le produit se répand dans son sang. Des images de synthèse de toute beauté nous titillent la rétine pour illustrer tout cela.

On démarre alors ce qui fait tout l’intérêt du film. Les capacités cérébrales de Lucy augmentent grâce à cette poudre bleue, apparemment créée à base d’une enzyme (le CHD 4, si mes souvenirs sont bons…), qui serait produit par la femme à six mois de grossesse. (Ce que l’on peut trouver sur Internet ne parle pas beaucoup de cette enzyme ! Difficile de savoir si tout est vrai donc, mais on s’en fout un peu !) Le film commence à alterner entre une Lucy qui se découvre de nouvelles capacités, et un Morgan Freeman en professeur d’université, qui explique à ses élèves ce qu’il se passerait si l’on accédait à un plus grand pourcentage de nos capacités cérébrales.   Evidemment, le plus alléchant réside dans cette attente, ce suspens entre explications de Freeman, et découverte de ces capacités en images par Johansson. Bon, il aurait été plus intéressant de voir autre chose que ce professeur toujours flanqué derrière son pupitre. On s’en lasse malheureusement un peu vite. Il aurait fallu trouver autre chose mais, rassurez-vous, cela ne dure pas tout le film.

Tandis que Lucy cherche vengeance pour ce qu’on lui a fait, des cartons d’intertitres indiquent fréquemment un pourcentage. Les capacités de Lucy augmentent tel un 24H Chrono. Les enjeux montent ! Vous raconter tout le film ne serait pas très gentil, donc je vous laisse la surprise de découvrir par vous-même ce que permettrait de faire un cerveau boosté. Mais il est temps justement de parler de la fin.

Non, non ! Ne partez pas, je ne dévoilerai rien ! Bon, à part le fait que l’on découvre le résultat des 100%. (C’est aussi pour ça qu’on est venu voir le film, non ?) Il est certain qu’aujourd’hui, personne ne pourrait le savoir, donc il est clair que Luc Besson ne fait qu’émettre une proposition (qui s’appuie toutefois sur des suppositions scientifiques). Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle a le mérite de dérouter tout le monde à la sortie de la salle de projection, au risque de déplaire à certains. Mais là, c’est une question trop subjective que pour vous affirmer que la fin est chouette ou non. Qu’une chose à faire : le voir pour vous forger votre propre avis !

Maintenant, parlons aspect technique ! He bien, pas grand-chose ! C’est propre et bien fait ! Très classique, comme tout bon blockbuster américain qui se respecte. On regrettera un peu un manque de folie dans les cadrages, comme pouvait le faire avec goût Limitless, qui n’hésitait pas à mettre des cadres à l’envers, pour nous montrer à quel point il n’est pas évident de contrôler son corps quand tant de changements se font dans le cerveau. Mais les visuels en images de synthèse ne manqueront pas, pour satisfaire les plus grands amoureux de SFX. La fin surtout en est remplie, mais chut ! C’est toujours une surprise ! On notera également que le film détient une course-poursuite à couper le souffle. Là, techniquement, c’est une belle prouesse.

Un des plus gros défauts du film, et ça, tous ceux qui l’ont vu semblent l’avoir remarqué : les personnages principaux n’ont aucune profondeur. On ne sait rien des personnages, on ne s’y attache pas, c’est froid et insipide ! On peut faire le rapprochement avec le jeu de Scarlett Johansson dans Under the skin, que je n’ai malheureusement toujours pas vu, mais dont j’entends beaucoup parler. Et comme un critique de Première le dit si bien, il semblerait que Johansson excelle dans une certaine forme de « froideur extra-humaine ». Donc si vous comptez voir Lucy pour vos acteurs favoris, vous pouvez en sortir un peu déçu ! Ce n’est clairement pas là leur meilleur rôle. Mais en prenant en compte ce qu’ils doivent jouer, ils le font bien ! Malheureusement, le reste du casting ne relève pas beaucoup le niveau. Dommage !

Maintenant, parlons de la B.O. (la Bande Original) ! Il est certain qu’Éric Serra a fait un excellent travail. La musique s’accorde déjà parfaitement à ce qu’il se passe (« heureusement !», allez-vous me dire !), mais il n’hésite pas à varier les genres, faisant lui aussi monter une certaine tension. On commencera avec des thèmes légers et sombres, illustrant toute la détresse de Lucy ; ensuite, un morceau très jazzy illustre la découverte des nouveaux pouvoirs. Ils font place alors à des thèmes électroniques et minimalistes, comme ceux des deux derniers films de Nicolas Winding Refn, Drive et Only God Forgives. Ensuite, de l’électro assez nerveuse accompagne des scènes d’action et de courses-poursuites. Pour enfin finir sur des morceaux épiques, et terminer avec le même thème du départ tout en légèreté : le morceau I am everywhere, qui est juste magnifique. Il m’a personnellement fait penser à un thème tout droit sorti du jeu indépendant Fez (avis aux connaisseurs). Bref, un très bon travail, qui, après avoir vu le film au moins une fois, se savoure sur YouTube ou Spotify.

Il est donc temps de conclure ! Lucy, de Luc Besson, n’est pas un chef-d’œuvre. Mais il a le mérite d’étonner, de faire réfléchir, de proposer des théories quelques-peu fantaisistes. On appréciera le film pour ce qu’il propose, et ce qu’il a de jouissif ; pas pour ses théories déroutantes et ses personnages peu attachants. Le film Lucy se regarde comme une expérience, dans laquelle nous serions des scientifiques, derrière leur vitre blindée, observant les effets d’une nouvelle drogue. En somme, un film à voir !

Un grand merci à : Laura Tchartorijsky, Andrea Dos Santos, Michael Bialocur & Olivier Deboit.